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Nous croyons parfois tout connaitre de l’amour d’une mère… écoutez donc mon histoire



Hassan avait deux amours dans sa vie; le premier c’était sa mère et le deuxième quelques années plus tard ce fut sa femme.


Après la mort de son mari, la mère d’Hassan ne s’était jamais remariée. Elle avait coutume de répondre aux prétendants qui se présentaient à sa porte que son fils Hassan remplissait ses jours et ses nuits et que cela lui suffisait amplement.


Et puis elle ajoutait ceci : ''J’ai vécu peu de temps avec mon défunt mari, c’est vrai que 18 mois c’est court… mais chaque jour était un jour de bonheur. Certains vivent de nombreuses années côte à côte mais si on additionne tous leurs jours de bonheur, cela ne fait même pas les cinq doigts d’une main.''


Elle s’était donc consacrée au bonheur de son fils et pour lui rien n’était assez bon ni assez beau. Au fil des années son corps de mère s’était arrondi, ses cheveux avaient blanchis et ses beaux yeux bruns acquis la sérénité d’une rivière au clair de lune. Aussi lorsque Hassan lui avait présenté Leïla, son cœur de mère l’avait aussitôt prise comme fille et elle avait proposé au jeune couple de venir habiter chez elle. ''Venez donc, avait–elle insisté, la maison est bien trop grande pour moi toute seule et ainsi je pourrai voir grandir mes petits-enfants''.


L’affaire fut entendue et le jeune couple emménagea dans la petite maison de deux pièces. Izdhiar, la mère, prit une pièce, le couple prit l’autre et tout alla pour le mieux.

Hassan se partagea entre sa mère, Izdhiar, et sa femme, Leïla, et sa félicité paraissait sans faille. Comment aurait-il pu en être autrement entre une mère aussi aimante et une femme aussi aimée ? Leïla était son rayon de soleil, sa gazelle du désert, un roulement de ses hanches, un battement de ses cils et aussitôt s’était comme si le Paradis lui dévoilait ses secrets. Et c’est ainsi que tout occupé à son bonheur, il n’a pas vu l’ombre gagner le cœur de Leïla…


Au début, dans la petite maison de sa belle–mère, Leïla a pensé que sa vie était une vie bénie. Izdhiar était une belle-mère d’une grande bonté, jamais une remarque, jamais un reproche, une humeur toujours égale, une gentillesse sans limite. Elle vivait dans sa petite pièce et eux, dans la leur, et tout semblait aller pour le mieux…


Mais peu à peu, Leïla a commencé à trouver le temps long lorsque le soir Hassan rendait visite à sa mère, dans la pièce d’à côté… Elle a commencé à moins apprécier les rires qu’elle entendait, dans la pièce d’à côté… Et puis aussi c’était insupportable cette façon de parler de sa mère, comme si elle seule savait ce qui était bon pour lui…


Alors Leïla a réfléchi le jour et puis bientôt la nuit. Et c’est ainsi qu’une nuit, alors qu’Hassan dormait profondément, elle s’est mise à le secouer par l’épaule :


"Réveille-toi Hassan, réveille-toi" lui a-t-elle dit.

Hassan a émergé de son sommeil, l’œil tout embué de rêves et il a demandé :

"Que se passe-t-il, Leïla Ô ma lune bien-aimée ?"

Alors Leïla lui a répondu :

"Ô Hassan mon mari bien-aimé, j’ai une requête à te faire, mais je crains que tu ne la repousses et tu aurais bien raison car il s’agit de ta mère."

"Parle Ô ma femme n’ai crainte, je t’écoute" a répondu Hassan.


Alors Leïla a expliqué à Hassan que la pièce dans laquelle ils vivaient tous les deux était bien étroite et que ma foi quand elle recevait ses amies, elle avait un peu honte de ne pouvoir leur offrir que cet espace. C’est pourquoi elle avait pensé que pour les recevoir dignement et lui faire honneur, à lui Hassan son époux bien-aimé, il pouvait peut-être demander à sa mère d’emménager dans le petit cagibi qui se trouvait à l’entrée de la maison. Ils pourraient mettre un grand rideau et ainsi Izdhiar serait tranquille et elle, Leïla, elle pourrait faire honneur à son mari…


Le lendemain quand Hassan est parti faire sa demande à sa mère, celle-ci lui a répondu que c’était tout naturel et elle a emménagé dans le petit cagibi. Hassan a posé un grand rideau et Izdhiar s’est dit qu’elle était bien heureuse d’avoir un fils aussi attentionné.


Des jours et des nuits se sont passés, et Leïla a pu recevoir ses amies sans se sentir gênée, elle a même pu les inviter à dormir…et Izdhiar derrière son rideau a pu continuer à voir passer son fils et à l’embrasser.


Mais une nuit… alors que dans le ciel on pouvait lire la destinée des Hommes et qu’Hassan dormait profondément, Leïla s’est mise à secouer son mari par l’épaule.

"Réveille-toi Hassan, réveille-toi Ô mon bien-aimé"

Et lui tiré de son sommeil, l’œil encore embué de rêves lui a demandé :

"Que se passe-t-il Ô Leïla, Ô ma lune bien-aimé?"

Alors Leïla a expliqué à son époux combien elle se sentait gênée pour lui. On chuchotait autour d’eux qu’il était ingrat et sans amour, en effet, quel fils pouvait laisser vivre ainsi sa mère dans ce tout petit cagibi avec ce grand rideau blanc… ? Mais elle, Leïla, elle connaissait l’amour que lui, Hassan, portait à sa mère, et elle trouvait insupportables toutes ces médisances… Non vraiment, il fallait pour faire taire toutes ces mauvaises langues, trouver une maison pour Izdhiar…


Hassan a donc trouvé une petite maison pour sa mère, de l’autre côté de la ville sur les conseils de sa femme qui lui avait suggéré que sa belle-mère serait plus proche de toutes les commodités. Il a repeint la maison qui était un peu défraichie, il acheté des coussins neufs et une nouvelle théière et sa mère s’est dit qu’elle avait bien de la chance d’avoir un fils aussi aimant.


Des jours et des nuits se sont passés et Hassan rendait visite à sa mère, un peu moins souvent il est vrai, car ce n’est pas chose aisée de traverser ainsi toute la ville surtout les jours de marché, mais il le faisait dès que cela était possible et ces jours-là, il avertissait Leïla qu’il ne serait pas à l’heure au repas. Mais sa chère épouse l’attendait, le repas au chaud et lui Hassan se sentait alors l’homme le plus aimé de la création.


Mais une nuit alors la lune jouait à cache-cache derrière les nuages et que Hassan dormait profondément, Leïla s’est mise à secouer son mari par l’épaule.

" Réveille-toi Ô mon bien-aimé "

Et Hassan tiré de son sommeil, l’œil encore embué de rêves a répondu :

" Que se passe-t-il Ô Leïla, Ô ma lune bien-aimée ? "

Alors Leïla a expliqué à son époux chéri combien elle était attristée de voir que sa belle-mère était empêchée de vivre.

" Je vois bien et mes amies me le disent aussi, que ta mère serait beaucoup plus libre si elle vivait dans un autre village, elle pourrait trouver des amies et peut-être refaire sa vie. Ici elle ne connait que nous, ailleurs, au début, elle ne connaitrait personne certes, mais ensuite une femme si charmante et si bonne aura vite toute une cour à sa porte. "


Hassan tout heureux de voir sa femme si pleine d’égard envers sa mère, s’est dépêché de trouver une maison dans le village d’à côté et d’organiser le déménagement. Izdhiar en voyant le bonheur de son fils s’est dit que tout était pour le mieux et qu’elle avait bien de la chance d’être ainsi le centre de son attention.


Des jours et des nuits sont passés. Hassan rendait visite à sa mère un peu moins souvent certes, car le village était éloigné, mais cependant aussi souvent qu’il le pouvait. Leïla lui gardait son repas au chaud et tout allait pour le mieux.

Mais un jour, alors qu’il revenait d’une visite faite à sa mère, de loin, Hassan vit le médecin sortir de sa propre demeure. Affolé il accourut chez lui, appela sa femme et comme elle ne venait pas à sa rencontre déjà il se sentit perdu. Leïla était alitée, le visage défait, ses long cheveux noirs étalés sur l’oreiller. Hassan bouleversé s’enquit de sa santé.


" Ma mie Ô ma gazelle Ô mon soleil je viens de voir sortir le médecin de notre maison…qu’avez-vous donc ? "

Alors Leïla tourna la tête vers le mur et se mit à pleurer.

Hassan éperdu s’agenouilla et lui prit les mains.

" Ô ma douce Ô ma vie que se passe-t-il ? Dite-moi ce que je dois faire pour vous rendre le sourire. "

Alors la voix de Leïla s’éleva dans la chambre, une voix frêle et souffrante :

" Ô mon bien-aimé, le médecin vient de m’annoncer que je vais bientôt mourir. Une seule chose peut me sauver mais cette chose je ne vous la demanderai jamais car je sais combien vous aimez votre mère. "


Fou de douleur, Hassan pressa sa femme de lui révéler cette chose. Elle refusa en pleurant et chacun de ses sanglots arrachait le cœur d’Hassan. Il finit par s’écrier :


" Quoi que vous me demandiez Ô mon aimée pour vous sauver je le ferai. "

Alors Leïla tourna la tête vers son époux et d’une voix douloureuse lui répondit :

" Le médecin m’a dit que seul un cœur aimant comme celui de votre mère pouvait me sauver. Vous comprenez mon aimé que je ne puis vous demander de me rapporter le cœur de votre mère. "


Pour sauver Leïla la prunelle de ses yeux, Hassan n’a pas hésité. Il est parti dans le village voisin, là où vivait sa mère et il lui a rendu visite. Izdhiar a accueilli son fils avec sa joie habituelle, ses visites étaient si rares à présent… Il lui a proposé une promenade, ce que d’ordinaire il ne faisait jamais par manque de temps et elle s’est dit qu’elle avait bien de la chance d’avoir un fils si prévenant. Ils sont partis en direction du lac, la nuit commençait à s’inviter mais Hassan a dit que pour une fois il n’était pas pressé. En arrivant au lac la lune s’était déjà installée tout là-haut sur la tenture noire. Izdhiar s’est penchée sur l’eau du lac pour rajuster son foulard et Hassan l’a poussée.


Pendant qu’il enveloppait le cœur d’Izdhiar dans le grand tissu blanc que Leïla lui avait donné, Hassan commençait déjà à ressentir la brûlure du remord. Sur le chemin du retour les larmes l’ont aveuglé et comme il faisait nuit et que la lune était voilée, il n’a pas vu la grosse pierre sur le chemin et il a trébuché. Le pauvre cœur de sa mère, le cœur tout rouge et tout palpitant a roulé au loin dans la poussière. Hassan s’est relevé, les mains et les genoux écorchés et pendant qu’il gémissait meurtri par sa chute, il a entendu la voix si chère et si tendre de sa mère qui lui demandait :


" Hassan, mon fils, tu ne t’es pas fait mal au moins ? "



© 2015 texte Stéphanie Hésol, tous droits réservés




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